Kinesthésique : le sens de la relation créative

La vue, l’audition et la kinesthésie (sens du mouvement) sont les trois sensibilités les plus utilisées pour les apprentissages classiques. Les deux premières, reconnues et valorisées par les sciences de l’éducation et les médias, sont associées aux activités intellectuelles et « nobles », tandis que la sensibilité d’apprentissage kinesthésique, associée essentiellement aux activités corporelles et manuelles est largement sous-évaluée et irrationnellent négligée.

 

La sensibilité kinesthésique nous donne en effet des informations sur les mouvements de notre corps mais aussi sur tous les autres corps existants autour de nous. Grâce à cette sensibilité nous avons accès aux processus d’évolution et de transformation de ce qui est vivant: tout ce dont nous avons besoin pour appréhender et comprendre notre éco-système, pour y évoluer et nous y adapter.

 

La sensibilité kinesthésique est ainsi nécessaire pour la santé de nos relations mais elle est surtout indispensable à notre relation au vivant et donc à notre survie dans notre éco-système.

 

Les personnes chez qui la sensibilité d’apprentissage kinesthésique est dominante ne sont pas reconnues au sein de l’éducation nationnale, celles-ci ont à gérer beaucoup de frustrations mais en plus beaucoup d’humiliations : elles sont souvent jugées comme trop sensibles,

 

Notre relation avec la sensibilité kinesthésique a un impact sur l’ensemble de nos vies individuelles et sociales.

  

Pourquoi existe t-il tant de fausses idées sur les kinesthésiques?

 

Beaucoup de fausses idées sont véhiculées sur cette sensibilité et donc sur les kinesthésiques!

 

On lit souvent que les personnes de sensibilité kinesthésique ont besoin de bouger, toucher, manipuler pour apprendre. Avec les kinesthésiques ne nous fions pas aux apparences ! Il ne faut pas regarder ou écouter ce qu’elles font, mais ressentir.

 

Les kinesthésiques sont sensibles à tous les mouvements. Ceux de leur propre corps sont « accéssbles » 24h/24, ils sont donc souvent les premiers supports de découverte et d’exploration. Ressentir les mouvements internes de leur corps, puis explorer leurs mouvements dans l’espace, observer comment ils entrent en interaction avec d’autres corps ou objets, attirent leur attention, les plongent dans des explorations à la recherche de compréhension du monde.

 

Comme avec la sensibilité visuelle et auditive, la sensibilité kinesthésique capte aussi des informations du monde extérieur sans filtre ni frontière : tout mouvement, toute dynamique relationnelle visible, audible, gustative, olfactive, tactile… est ainsi source d’intérêt. Ainsi tout élément en contact avec un autre élément générateur d’une évolution, d’une émulsion, d’une infusion, d’une explosion… attire leur attention et est une occasion d’apprendre. 

 

Certains kinesthésiques trouveront de l’intérêt dans les activités qui leur sont proposées comme celles de danser, bricoler, fabriquer, cuisiner, masser… mais aussi avec toutes celles .

 

Autre idée fausse, les kinesthésiques n’ont pas de difficulté à apprendre. La sensibilité d’apprentissage kinesthésique, comme toutes les autres sensibilités dominantes, facilite ou met en difficulté les apprenants selon les contextes.

 

Dans des milieux relationnels à l’écoute des processus dynamiques de créativité, où les interactions et les émotions sont prises en considération, les kinesthésiques se sentiront certainement à l’aise, alors qu’ils s’ennuieront dans des contextes où l’essentiel de l’activité tourne autour de données purement abstraites sans lien direct avec la complexité du vivant.

 

Autre idée reçue, les kinesthésiques n’ont pas de facilités face aux changements ou de dons spécifiques en gestion relationnelle, bien qu’ils soient armés pour les percevoir. Au contraire, étant sensibles aux mouvements permanents, ils ont paradoxalement besoin de repères hyper stables dans l’espace et le temps pour se sentir en sécurité. Ainsi, face à de nouvelles expériences, à condition qu’ils soient impliqués, ils proposeront spontanément la mise en place de nouveaux repères, de nouveaux processus qui les sécuriseront.

 

Avertis des changements, cadrés, ils s’adapteront avec créativité et efficacité. Dans un cadre relationnel établi et respecté par tous, les kinesthésiques s’impliqueront, improviseront et seront forces de proposition. Sans s’en apercevoir, ils pourront tester l’organisation et les processus mis en place pour mieux les ressentir, les conscientiser, les comprendre.

 

Pris au dépourvu, ils pourront se sentir agressés, perdus et avoir le sentiment d’avoir été abandonnés ou d’être trahis ! Pour eux, la relation et la co-créativité sont sacrées.

 

Autres fausses idées, les kinesthésiques n’ont pas toujours besoin de mouvement. Ce qui est générateur de calme peut au contraire être essentiel pour eux. L’anticipation, la projection, l’imagination, la création sont des exercices mentaux faciles pour cette sensibilité. Par contre, pour canaliser et contenir leurs jeux d’esprit, leurs remises en question permanentes et leurs recherches, ils pourront avoir des périodes de rigidité mentale, physique et/ou comportementale, mais le mouvement l’emportera toujours.

 

Leur attention est toujours portée sur ce qui se passe dans le présent. Les repères dans l’espace et le temps pour aborder de nouveaux horizons sereinement sont fondamentaux. Les rituels leur apportent un cadre indispenssable pour faire évoluer et aboutir leurs projets, ils ont besoin d’ancrage relationnel, en eux et autour d’eux, sinon c’est la panique.

 

Ils pourront être l’acteur central d’une (r)évolution, de changement, mais étant dans et l’extérieur du processsus d’évolution, leur attention ne se portera pas sur ce qu’ils pourront mettre en avant pour être vu ou entendu avec reconnaissance.

 

Quelles matières attireront les kinesthésiques à l’école ?

 

Toutes les matières et les disciplines en lien avec la réalité et le vivant attirent spontanément l’attention des kinesthésiques, mais ce qui attire leur attention passe toujours en priorité par le vivant présent, malgré tous leurs efforts et ceux de leur entourage.

 

Les élèves de sensibilité kinesthésique dominante n’aiment pas plus le sport que les autres sensibilités d’apprentissage, d’autant plus si leur éducateur donne des consignes trop longues sans application. Que ce soit du sport ou des maths, si le théorique prend trop de place sur la pratique, tous ceux qui ont cette typologie d’apprentissage décrocheront malgré leurs tentatives de concentration. Les informations abstraites sans lien avec la réalité présente n’accrochent pas leur attention.

 

Par contre, si les informations transmises, les schémas et les explications sont organisés et structurés afin qu’ils puissent en distinguer chaque étape ou chaque palier d’évolution, alors ils s’impliquent sans peine. Par ailleurs, les kinesthésiques ont le sens du détail, ils aiment les cas d’étude, les énigmes, les erreurs à débusquer.

 

Donner un exercice avec un piège, une faute à trouver, un problème à dénouer les stimule. Passant d’un point de vue à l’autre, ils cherchent parallèllement à percevoir le contexte global, sans lequel ils ne peuvent établir leur représentation et leur compréhension. Donner une règle de grammaire ou de mathématique en racontant les origines et l’histoire de cette règle, répondra aux questions sous-jacentes permanentes des kinesthésiques: d’où ça vient? à quoi ça sert? où ça va?

 

Les kinesthésiques portent beaucoup d’importance à la relation avec leurs enseignants, si leurs relations sont dysfonctionnantes, les émotions vécues attireront toute leur attention.

 

Le travail à la maison peut difficilement compenser les manques d’une école qui ne prend pas en considération cette sensibilité, et les parents reproduisent malgré eux des méthodes pédagogiques inadaptées à cette sensibilité et peuvent être agressifs si eux-mêmes kinesthésiques ont été frustrés et se sentent impuissants devant leur enfant.

 

Cependant les kinesthésiques ont du plaisir à découvrir et imiter de nouveaux comportements, ils ne peuvent pas échapper à ce besoin d’établir de fortes relations avec leur entourage. A force de leur montrer et de leur prouver qu’une approche ou méthode adaptée soutient leur sensibilité et leur relation au monde, ils ne peuvant pas résister à l’aventure qui leur est proposée.

 

Comment favoriser la concentration et la mémorisation ?

 

Les personnes kinesthésiques n’ont pas de difficultés à rester concentrées, elles ont une concentration mutiple qui a besoin de support adapté à leur perception multi sensorielle.

 

Comme toutes les personnes qui ont trop d’énergie à gérer (comme souvent les jeunes et les garçons en particulier), elles auront du mal à faire plusieurs choses à la fois.

 

Des contextes d’apprentissage peuvent être proposés pour s’adapter à la maturité et réguler l’état des apprenants. Des méthodes et des supports d’apprentissage dynamiques qui rendent acteurs leurs utilisateurs, permettront de mettre leur énergie au service de leurs activités.

 

Avec les jeux en ligne, nous avons la preuve avec les jeunes peuvent rester des heures assis devant des activités qui sollicitent leurs réactivités!! Les approches de consciences corporelles proposées actuellement (méditation, yoga…) ne suffisent pas. La stabilité corporelle se vit sans effort dans l’épreuve mentale reconnue. 

 

Avec les kinesthésiques, travailler debout, assis sur un ballon de gym ou sur un pouf sera possible pour certaines activités de courtes durées mais l’attrait de l’exploration du ressenti et du mouvement l’emportera. Il vaut mieux proposer des espaces d’exploration consacrés à la découverte de leur sensibilité afin qu’ils reconnaissent leur capacité et trouvent par eux-mêmes les moyens de canaliser leur attention. 

 

La qualité de l’ambiance de la classe au-delà des murs a un impact. En avoir conscience, en parler pour prendre conscience de ce qui se passe pour les apprenants permet de trouver des solutions ou au pire de créer de la realtion autour d’inconvénients. Éviter, ignorer les problèmes vécus par les kinesthésiques ne fait que les rendre plus présents et fige leur capacité d’adaptation et de résilience.

 

Comment gérer, organiser une classe avec des élèves kinesthésiques? 

 

Les élèves kinesthésiques établissent la priorité des leurs actions en fonction de ce qu’ils vivent. Partir de ce qu’ils expriment spontanément, même quelque chose qui n’a rien à voir avec le sujet à étudier, permettra de créer du lien avec ce type d’élèves. Avec les kinesthésiques toutes les relations sont bonnes à faire : leur esprit ne peut pas s’en empêcher. Ainsi, c’est à l’éducateur d’en jouer et avec eux de définir où ce jeu d’esprit doit s’arrêter pour que le projet d’apprentissage puisse aboutir. Rappeler régulièrement l’objectif avec les kinesthésiques n’est pas du temps de perdu.

 

Les élèves kinesthésiques seront en échec dans un système d’apprentissage et de communication essentiellement visuel et auditif qui ne prend pas en compte leurs fonctionnements. Le défi des professeurs sera de partir de leur sensibilité pour les ouvrir aux autres sensibilités d’apprentissage, et vice versa.

 

Aborder les matières générales en fonction de ce profil est un challenge, surtout quand nous n’avons comme repères éducatifs que des savoirs-faire éducatifs consacrés aux visuels et aux auditifs. Il ne suffit donc pas d’avoir connaissance des différences et des difficultés à soulever pour changer les habitudes, nous devons tous mettre en place des contextes qui permettent d’appréhender nos habitudes pour y faire face pour avoir des comportements inclusifs.

 

Avec les kinesthésiques, les apprentissages conceptuels doivent être systématiquement annoncés en tant que concept (la notion de concept est une notion très difficile à concevoir pour les kinesthésiques) puis dans un deuxième temps être mis en lien avec leur réalité sensorielle/concrète pour les embarquer dans le groupe.

 

Comment aborder les concepts avec les profils kinesthésiques ?

 

Pour les enseignants et les formateurs, qui ont en général un profil d’apprentissage de type visuel-auditif, cette sensibilité sera comme lors d’un voyage la découverte de tout un univers : c’est donc d’abord l’acceptation, l’envie, la motivation d’un travail de décentrage qui pourra permettre la rencontre avec cette sensibilité. C’est en se mettant complètement à la place d’un kinesthésique que les visuels-auditifs pourront découvrir concrètement comment ce type de sensibilité fonctionne, comment les personnes se positionnent pour intégrer l’information, quelles sont leurs difficultés mais aussi leurs facilités. Cela permet d’interagir concrètement pour trouver des solutions concrètes. Les approches de la relation créative des 4S, proposent une approche cadrée pour découvrir tous les aspects de cette sensibilité.

 

Les élèves, qui ont un profil de compréhension de type kinesthésique, seront plus à l’aise avec les matières concrètes, entre autres celles proposées dans les filières professionnelles, mais les professeurs auront là aussi des notions théoriques à aborder.

 

Les élèves kinesthésiques ne peuvent pas intégrer une information abstraite si celle-ci n’est pas mise en relation avec leur réalité quotidienne, mais aussi avec leur réalité envisagée ou envisageable. Attiré l’attention des kinesthésiques est finalement facile, il suffit juste que l’information soit dynamique et face référence au vécu sensoriel de l’apprenant, et à leurs rêves.  

 

Qu’apportent les profils kinesthésiques dans une classe ?

 

Que la majorité des élèves soient ou non de profil kinesthésique, l’interaction est capitale pour que votre classe reste dynamique, les élèves kinesthésiques seront donc des bons repères et stimulateurs. Si vous considérez que les élèves kinesthésiques décrochent quand votre enseignement manque de dynamisme (les élèves pas assez impliqués, les informations trop déconnectées de la réalité…), ils seront de bons alliés. Créer des ponts entre les sujets à aborder et les préoccupations de vos élèves rendra votre classe vivante. Créer des liens  ne doit surtout pas vous contraindre à faire quelque chose que vous n’avez pas envie de faire. Créer du lien avec vos élèves sera toujours du temps et de l’énergie de gagner. Et si vous n’avez pas envie de faire cet effort et n’avez pas d’inspiration, ils le feront avec plaisir pour vous. 

 

Ainsi pour la vie de la classe, les kinesthésiques, d’apparence perturbateurs, sont de bons “baromètres” dont vous avez tout intérêt à prendre en considération. Ce sont de bons capteurs d’ambiance, avec eux, vous avez immédiatement l’état “atmosphérique” de votre classe. Par ailleurs, en favorisant la relation avec eux d’une manière ou d’une autre, vous initiez chez vos élèves des réflexes d’inclusion, vous activez donc un des leviers les plus importants pour prévenir le harcèlement et activer la bienveillance, la préoccupation partagée en société (programme PHARE, obligatoire dans tous les collèges et toutes les écoles élémentaires depuis la rentrée 2022).

 

Comment réagir face aux questions, mouvements, perturbations des kinesthésiques ?

 

Les profils kinesthésiques sont des éléments dynamiques, parfois trop dynamiques, dans un groupe. Apprendre à se contenir est un long apprentissage pour eux qu’ils peuvent vivre avec un sentiment d’injustice puisqu’ils se sentent toujours dépassés par ce qui les traverse (encore une fois, malgré leurs efforts). Cependant, si les professeurs les mettent de leur côté, leur classe sera enthousiaste. Les kinesthésiques nous demandent d’être dans une relation sensible, vivante et créative permanente : ils sont des éléments moteurs et fédérateurs pour nos sociétés.

 

Ce qui est capital pour les kinesthésiques pourra être jugé inutile, futile, distractif pour les autres profils. Passer d’un profil d’apprentissage à l’autre permet de les intégrer et de changer les croyances que nous pouvons avoir sur nos façons de faire.

 

Ce que les kinesthésiques nous obligent à dépasser dans nos relations ?

 

Il est facile d’observer que nous avons tous des sensibilités différentes, des façons de communiquer différentes et des points de vue différents. Il est moins facile de ressentir ce que les autres ressentent, de comprendre ce qu’ils expriment, de se mettre à leur place. Pourtant c’est ce que la sensibilité d’apprentissage kinesthésique nous pousse à faire : elle nous amène à ressentir ce que vit notre entourage, à exprimer spontanément ce qui nous traverse, à mettre en scène nos problèmes pour les résoudre : le jeu social est indispensable à notre évolution.

 

Ainsi si nous voulons résoudre les malentendus, les incompréhensions ou les tensions liés à nos différences, nous avons tout intérêt à valoriser cette sensibilité d’apprentissage, à nous laisser ressentir ce que les autres vivent et à nous mettre à leur place pour ouvrir notre compréhension à ce qui nous est étrange et à dépasser nos a priori pour percevoir nos différentes réalités et accueillir toutes ses vérités qui font la richesse de notre humanité. Mais surtout de mettre en relation nos intelligences pour trouver des solutions aux changements environnementaux auxquels nous devons considérer ensemble.

 

Chacun de nous à sa carte du monde mais nous avons les mêmes repères pour les construire : un corps sensoriel et émotionnel à partir duquel nous définissons nos relations directes et indirectes, et nos besoins. 

 

Les kinesthésiques nous amènent à aller au-delà de nos savoirs et nos croyances, à comprendre les relations dans leur complexité, à nous remettre en question et nous améliorer : il est temps de considérer cette sensibilité d’apprentissage dans nos familles, nos écoles, nos entreprises.